Pourquoi Me Réveiller (N’achevez Pas!)
(avec une tristesse inspirée)
Pourquoi me réveiller,
ô souffle du printemps?
Pourquoi me réveiller
Sur mon front je sens tes caresses,
et pourtant bien proche est le temps
des orages et des tristesses!
(avec désespérance)
Pourquoi me réveiller,
ô souffle du printemps?
Demain dans le vallon
viendra le voyageur
se souvenant de ma gloire première.
Et ses yeux vainement
chercheront ma splendeur.
Ils ne trouveront plus que deuil
et que misère! Hé1as!
(avec désespérance)
Pourquoi me réveiller,
ô souffle du printemps?
N’achevez pas! Hélas! ce désespoir...ce
deuil... on dirait...
il me semble...
Ciel! Ai-je compris?
(plus accentué) Ai-je compris?
(palpitant) Dans cette voix qui tremble,
dans ces doux yeux remplis de larmes
n’est-ce pas un aveu que je lis?
(frémissante) Ah! taisez-vous!
(en s’exaltant de plus en plus) A quoi
bon essayer de nous tromper encore...
(suppliant) Je vous implore!
(avec ardeur) Va! nous mentions tous
deux en nous disant vainqueurs de
l’immortel amour qui tressaille en nos
coeurs!
Werther!
(palpitant) Ah! ce premier
baiser, mon rêve et mon envie!
Bonheur tant espéré qu’aujourd’hui
j’entrevois!
Il brûle sur ma lèvre encor inassouvie
ce baiser...ce baiser demandé pour la
première fois!
(tombe éperdue su la canapé)
Ah! Ma raison s’égare...
(se jetant à ses pieds) Tu m’aimes!
tu m’aimes! tu m’aimes!
(le repoussant) ...non! tout ce qui nous
sépare peut-il être oublié?
(insistant) Tu m’aimes!
(se défendant toujours) Pitié!
Il n’est plus de remords!
Non!
Il n’est plus de tourments!
Ah! pitié!
Hors de nous rien n’existe
et tout le reste est vain!
Ah! Seigneur! défendez-moi!
Mais l’amour seul est vrai,
Car c’est le mot divin!
Défendez-moi, Seigneur,
défendez-moi contre moi-même!
Défendez-moi, Seigneur,
contre lui... défendez-moi!
Viens! je t’aime! il n’est plus de remords...
Car l’amour seul est vrai, c’est le mot,
le mot divin!
Je t’aime! Je t’aime! je t’aime!
(dans les bras de Werther) Ah!
(se redressant, affolée)
Ah! Moi! moi!
(s’enfuyant, subitement revenu)
dans ses bras!
(lui implorant Charlotte) Pardon!
(résolument, se possédant enfin)
Non! Vous ne me verrez plus!
Charlotte!
(avec un reproche déchirant)
C’est vous, vous! que je fuis l’âme
désespérée!
Adieu! adieu! pour la dernière fois!
(Charlotte s’enfuit)
(atterré)
Mais non... c’est impossible!
Ecoute-moi! Ma voix te rappelle!
(palpitant) Reviens!
Tu me seras sacrée!
Reviens! Reviens!
(presque parlé) Rien! pas un mot...
elle se tait...
(résolument) Soit! Adieu donc!
Charlotte a dicté mon arrêt!
Prends le deuil, ô nature! Nature!
Ton fils, ton bien aimé,
ton amant va mourir!
Emportant avec lui l’éternelle torture,
ma tombe peut s’ouvrir!
(Il s’enfuit.)